Nodules et carcinomes thyroïdiens
L’essentiel pour le médecin de premier recours

Nodules et carcinomes thyroïdiens

Übersichtsartikel AIM
Édition
2017/47
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03117
Forum Med Suisse 2017;17(47):1039-1044

Affiliations
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
a Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme; b Institut universitaire de pathologie

Publié le 21.11.2017

Face à l’augmentation des incidentalomes thyroïdiens, la gestion appropriée des nodules thyroïdiens est primordiale afin de permettre la détection des cancers relevants et d’éviter le surdiagnostic et le surtraitement des microcarcinomes papillaires. Cet article décrit les grandes lignes de la prise en charge en tenant compte des nouvelles recommandations.

Introduction

Le cancer de la thyroïde est la néoplasie endocrinienne la plus fréquente. Ce cancer représente 1% à 2% de tous les cancers solides. L’incidence des cancers de la thyroïde est variable selon les registres, de l’ordre de 6 à 18 pour 100 000 personnes/année. Les carcinomes papillaires et folliculaires de la thyroïde, issus des cellules folliculaires, également appelés carcinomes différenciés de la thyroïde (CDT) sont les plus fréquents (90% des carcinomes thyroïdiens), le carcinome papillaire représentant 60% des cas [1].
Nous n’insisterons pas dans cet article sur le carcinome anaplasique de la thyroïde qui représente 1% des carcinomes thyroïdiens. Il est néanmoins important de faire la distinction entre le carcinome anaplasique (indifférencié) et le carcinome peu différencié, ce dernier faisant partie des carcinomes différenciés, avec une prise en charge initiale similaire aux carcinomes papillaires et folliculaires mais avec un pronostic plus réservé. Il faut aussi relever que la dernière classification des tumeurs endocriniennes de l’Organisation Mondiale de la Santé considère le carcinome oncocytaire de la thyroïde (carcinome à cellules de Hürthle) comme un quatrième type de CDT alors qu’auparavant il était considéré comme un sous-type du carcinome folliculaire.
Le carcinome médullaire de la thyroïde (CMT) représente 2% à 3% des cancers thyroïdiens. Il se développe aux dépens des cellules C (parafolliculaires), présentes en bordure des follicules thyroïdiens. Historiquement décrites comme ayant une origine embryonnaire localisée au niveau de la crête neurale, les cellules C auraient, selon de récentes publications, une origine commune avec les cellules folliculaires, ce qui pourrait expliquer la présence parfois simultanée de CDT et CMT.
Les cinq dernières années ont été marquées par une augmentation conséquente des publications relatives aux nodules et aux cancers thyroïdiens. L’«American Thyroid Association» (ATA) a récemment édité ses nouvelles recommandations de prise en charge des CDT et des CMT [2, 3].
Au travers de cet article, nous résumerons les grandes lignes de la prise en charge des nodules thyroïdiens, des CDT et du CMT. Nous reviendrons également sur quelques nouveautés importantes traitées dans la littérature en 2016.

Quel nodule ponctionner?

La prévalence des nodules thyroïdiens subcliniques croît avec l’âge pour atteindre 50% chez les femmes âgées de plus de 60 ans. Ces chiffres tendent à augmenter en raison du nombre croissant d’imageries réalisées mettant en évidence des «incidentalomes thyroïdiens». On estime que 5% à 10% de ces nodules sont malins. Afin d’éviter les cytoponctions abusives, il convient de ne ponctionner que les nodules échographiquement suspects de malignité. L’ATA a établi une série de critères morphologiques qui, s’ils sont présents, doivent motiver la réalisation d’une cytoponction.
Ainsi, les nodules purement kystiques sont bénins et ne nécessitent pas de ponction diagnostic, peu importe leur taille. Une cytoponction évacuatrice peut être considérée en présence de symptômes compressifs ou de gêne esthétique. Les nodules spongiformes sont le plus souvent bénins. Une ponction peut être considérée si leur taille est supérieure à 2 cm. A contrario, certaines caractéristiques sont suspectes de malignité et imposent la réalisation d’une cytoponction. Citons notamment les nodules mal délimités, les nodules semblant dépasser la capsule thyroïdienne ou envahir la trachée ou la musculature préthyroïdienne, les nodules hypoéchogènes, la présence de microcalcifications (fig. 1) ou de ganglions cervicaux suspects. A noter que les nodules hypermétaboliques au PET/CT doivent normalement être ponctionnés, peu importe leur aspect échographique (recommandation 8, figures 1 et 2 de référence [2]).
Figure 1: Nodule thyroïdien du lobe droit échographiquement très suspect avec des microcalcifications. L’examen anatomopathologique a montré un carcinome papillaire.

Carcinomes différenciés de la thyroïde

Classification cytopathologique selon Bethesda et implications pratiques

Le résultat de la cytoponction sera le plus souvent ­exprimé selon la classification de Bethesda (tab. 1). Si les catégories Bethesda I et III nécessitent de répéter la cytoponction, en cas de résultat bénin (Bethesda II), un suivi ultrasonographique à un an est recommandé.
Tableau 1: Classification cytologique selon Bethesda et implications cliniques.
BethesdaDéfinitionRisque ­malignitéAttitude
IMatériel non contributif 1–4%Répéter la ­cytoponction
IIBénin 0–3%Suivi ultrasono­graphique à 1 an
IIIAtypies de signification indéterminée
ou
Lésion folliculaire de signification ­indéterminée
 5–15%Répéter la ­cytoponction à 3–6 mois
IVNéoplasie folliculaire
ou
Suspicion de néoplasie folliculaire
15–30%Chirurgie
V Suspect de malignité60–75%Chirurgie
VIMalin97–99%Chirurgie
Une nouvelle nomenclature vient nuancer cette classification. Le carcinome papillaire encapsulé de variante folliculaire non invasif ayant un excellent pronostic après chirurgie et évoluant de façon indolente comme un adénome, le terme de carcinome a été abandonné au profit de néoplasie thyroïdienne folliculaire non invasive avec atypies nucléaires de type papillaire (NIFTP). Un certain nombre de nodules Bethesda III, IV ou V seraient des NIFTP. Comme le NIFTP n’est pas considéré comme une lésion maligne mais plutôt comme une lésion précancéreuse, les risques de malignité associés aux catégories de Bethesda cités dans le tableau 1 sont en train d’être révisés vers le bas. Un NIFTP ne nécessite pas une thyroïdectomie totale, une lobectomie est suffisante. Cette entité rencontre cependant pour le moment une limitation diagnostique préopératoire majeure en raison de l’absence de critères cytologiques clairs. Le diagnostic est confirmé seulement en post opératoire, une fois que toute la capsule du nodule a pu être examinée et que l’absence d’invasion capsulaire a pu être objectivée [4].
En ce qui concerne les nodules Bethesda IV et V, des analyses moléculaires à la recherche de mutations ­associées au CDT peuvent être entreprises afin de confirmer la malignité ou d’affiner le risque de malignité associé au classement cytologique respectif. Par exemple, la présence de la mutation V600E du gène BRAF confirme le diagnostic d’un carcinome papillaire de la thyroïde.

Bilan complémentaire

Le bilan d’extension préopératoire d’un CDT se limite normalement à la zone cervicale, les CDT n’engendrant que rarement des métastases à distance. Les carcinomes papillaires font classiquement des métastases ganglionnaires. Les carcinomes folliculaires ont quant à eux un mode de dissémination hématogène et sont plus à risque de provoquer des métastases à distance.
Lorsqu’une sanction chirurgicale est envisagée, le bilan préopératoire se base sur l’échographie cervicale. Il s’agira d’établir si d’autres nodules sont présents dans le lobe controlatéral afin de définir le type d’opération nécessaire, i.e thyroïdectomie totale versus lobectomie. De plus, l’ultrason cervical aura aussi pour but de rechercher des ganglions suspects de malignité. La réalisation d’une cytoponction du ganglion avec dosage de la thyroglobuline ainsi qu’une analyse cytologique permettra de vérifier son caractère malin et de proposer, le cas échéant, un curage ganglionnaire en plus de la thyroïdectomie.

Traitement

Lors de nodules Bethesda IV, V et VI, la chirurgie reste la première ligne de traitement. Il convient cependant d’apporter quelques précisions.
En cas de microcarcinome (<1 cm), si ce dernier est unique, à distance de la capsule thyroïdienne ou de la trachée, sans atteinte ganglionnaire et en l’absence d’une anamnèse familiale positive ou d’antécédents d’irradiation chez un patient de plus de 40 ans, une attitude conservatrice avec une surveillance active (ultrason à 6 mois) peut être envisagée. En cas d’augmentation du volume du nodule, une sanction chirurgicale sera alors proposée. En effet, la mortalité liée à un microcarcinome de la thyroïde est de l’ordre de 0.3% et le risque de récidive de 1% à 5% [5]. Il convient de souligner que les guidelines recommandent, en général de ne pas ponctionner des nodules de moins de 1 cm, quelque soit le risque échographique de malignité. Néanmoins, les micronodules échographiquement suspects pour lesquels une surveillance active serait contre-indiquée en cas de confirmation de malignité (âge <40 ans, contact avec la capsule thyroïdienne, etc.) méritent une cytoponction.
Un carcinome de 1 à 4 cm, unique, à nouveau sans signe d’infiltration locale et en l’absence de ganglions suspects peut être traité par une loboisthmectomie seule. Il convient cependant de prévenir le patient qu’une totalisation de la thyroïdectomie pourrait avoir lieu dans un second temps selon le résultat anatomopathologique. Des caractéristiques histologiques agressives et des invasions vasculaires sont des exemples d’indications à une totalisation de la thyroïdectomie.
En fonction du résultat anatomopathologique, le carcinome est classé selon trois catégories qui correspondent au risque de maladie résiduelle (bas risque: <10%; risque intermédiaire: 10–20%; haut risque: >20%). La décision d’avoir recours ou non à un traitement adjuvant dépend largement de cette stratification.

Traitement adjuvant par radiothérapie ­métabolique au iode 131

Les CDT à bas risque ne nécessitent pas de traitement adjuvant.
En cas de lobectomie seule, un traitement adjuvant ne fait pas de sens sans qu’une totalisation de la thyroïdectomie soit préalablement réalisée.
En cas de cancer de risque de maladie résiduelle intermédiaire ou élevé, un traitement adjuvant par radiothérapie métabolique à l’iode 131 est recommandé. En fin de traitement, une scintigraphie à l’iode (avec examen SPECT-CT) avec ou sans PET CT FDG est réalisée, permettant de définir la présence ou non d’un résidu thyroïdien post opératoire et une éventuelle captation à distance. En fonction du degré de différentiation des cellules cancéreuses, ces dernières seront plus ou moins iodophiles. Dans notre institution, chaque cas de carcinome thyroïdien qui fait l’objet d’une radiothérapie métabolique à l’iode 131 est discuté au sein d’un colloque pluridisciplinaire où participent des experts en endocrinologie, médecine nucléaire, pathologie, chirurgie et oncologie.

Suivi

Le suivi d’un CDT est réalisé par un spécialiste, initialement chaque 3–6 mois puis annuellement et comprend un contrôle clinique, biologique et ultrasonographique. Il s’agira de doser la thyroglobuline qui sert de marqueur tumoral et de mesurer le taux d’anticorps antithyroglobuline (ac anti Tg) qui, s’il est positif, risque d’interférer avec l’interprétation du taux de thyroglobuline. Les ganglions cervicaux seront examinés cliniquement et par ultrason à la recherche d’une récidive régionale. En cas de ganglion suspect, une cytoponction permettra de prouver la malignité de ce dernier et un curage chirurgical pourra être planifié. Avant d’envisager une nouvelle intervention au niveau cervicale, il convient d’exclure la présence de métastases à distance.
Selon le taux de thyroglobuline et la présence ou non de ganglions malins, le risque de récidive et de mortalité est réévalué à chaque consultation et le taux de lévothyroxine est adapté en fonction. Rappelons que le traitement par lévothyroxine a pour but d’assurer une substitution hormonale chez les patients ayant bénéficié d’une thyroïdectomie mais également de réaliser un freinage de la TSH afin d’éviter une stimulation d’un éventuel tissu thyroïdien résiduel malin. Les cibles de TSH mentionnées ci-dessous sont indicatives et d’autres taux peuvent être choisis selon le contexte spécifique de chaque patient (tab. 2).
Tableau 2: Cible de TSH en fonction de la réponse biochimique et structurelle.
RéponseLaboratoireUltrason Récidive MortalitéCible TSH
ExcellenteTg <0,2 μg /lPas de ganglion suspect 1–4%<1%0,5–2,0 mU/l
IndéterminéeTg 0,2–1 μg/l
ou
ac anti Tg présents 
en diminution
Imagerie négative ou ­douteuse15–20%<1%0,1–0,5 mU/l
Biochimique ­incomplèteTg >1 μg/l
ou
élévation des ac anti Tg
Pas de ganglion suspect20%<1%0,1–0,5 mU/l
Structurelle ­incomplèteN’importe quel tauxGanglion ou métastase50–85%11% (ganglions ­cervicaux)<0,1 mU/l
    50% (métastases à ­distance) 
Tg = thyroglobuline, ac anti Tg = anticorps antithyroglobuline

Maladie métastatique

Une maladie métastatique localisée au niveau cervical sera traitée en premier lieu par curage ganglionnaire ou par radiothérapie métabolique en cas de ganglions exclusivement iodophiles de taille <1 cm. En cas d’extension à distance de métastases iodophiles, la radiothérapie métabolique sera également répétée.
Enfin, en cas de maladie métastatique non iodophile, un traitement systémique par inhibiteur de tyrosine kinase (sorafenib ou lenvatinib) peut être proposé au patient après avoir fait l’objet d’une discussion multidisciplinaire. Il est important de souligner que ces traitements systémiques sont normalement utilisés exclusivement pour les cas qui présentent à la fois un volume tumoral métastatique important et une progression rapide selon les critères RECIST («Response Evaluation Criteria In Solid Tumors»). La présence d’une maladie réfractaire à l’iode mais stable lors du suivi radiologique n’est pas une indication à un traitement systémique par inhibiteur de tyrosine kinase étant donné que ces traitements n’ont pas d’effet démontré sur la survie globale et qu’ils sont associés à des effets secondaires importants avec un impact sur la qualité de vie des patients traités. Pour cette raison, les traitements locaux sont à favoriser dans tous les cas de maladie progressive. Les traitements systémiques doivent être considérés en dernier recours.
Signalons encore que de nouvelles molécules dont le selumetinib (inhibiteur kinase MEK1 et MEK2) ont la capacité de «resensibiliser» à l’iode des carcinomes initialement considérés comme non iodophiles.

Le carcinome médullaire de la thyroïde

Si le CMT se présente sous forme sporadique dans la plupart des cas, 25% sont héréditaires, liés notamment à des syndromes tels que les néoplasies endocriniennes multiples (NEM) de type 2A ou 2B. Ces tumeurs peuvent se manifester d’une part par l’apparition d’un nodule thyroïdien plus ou moins symptomatique, classiquement solide et situé au niveau du tiers moyen du lobe thyroïdien, d’autre part, des diarrhées ou des flush sont rapportés, secondaires à la production de calcitonine. Le CMT étant une maladie rare et beaucoup plus agressive que la vaste majorité des CDT, il est indispensable que le patient soit pris en charge par des experts dès le début.

Bilan initial

Lorsqu’un nodule présentant des critères de CMT est diagnostiqué, le status doit être complété par l’examen des aires ganglionnaires. La calcitonine (Ctn) et l’antigène carcino embryonnaire (CEA) seront dosés. La recherche de la mutation du proto oncogène RET dont la transmission s’effectue sur un mode autosomique dominant est recommandée face à tout CMT. En cas de mutation présente, un conseil génétique doit être organisé.
La recherche active d’un phéochromocytome et d’un hyperparathyroïdisme (HPTH) est réservée selon les recommandations aux cas héréditaires. Dans la pratique clinique, il convient, compte tenu du temps nécessaire à la mise en évidence de la mutation RET, de dépister le phéochromocytome et l’HPTH (respectivement par le dosage des métanéphrines plasmatiques libres, la calcémie corrigée et la PTH) dès que le diagnostic de CMT posé.

Bilan d’extension

Les métastases sont bien souvent multiples et touchent plusieurs organes (foie, os, poumon, médiastin, tissus mous). La survie en cas de maladie métastatique est de l’ordre de 26% à 5 ans et 10% à 10 ans.
Un ultrason cervical permettra de rechercher une extension ganglionnaire qui survient dans plus de 50% des cas. En cas d’atteinte ganglionnaire et/ou face à un taux de Ctn >500 pg /ml, un bilan d’extension comprenant un CT injecté cervico thoracique, une imagerie hépatique (CT triphasique ou IRM injectée) une scintigraphie osseuse ainsi qu’une IRM de la colonne devra être réalisé. Selon les dernières recommandations, le FDG-PET CT et le F-DOPA-PET ne sont pas recommandés pour le bilan d’extension initial, toutefois ces imageries sont souvent utilisées dans les centres expertisés.

Traitement

La première ligne de traitement du CMT demeure la chirurgie. L’exclusion préalable d’un phéochromocytome est impérative afin que le patient puisse être opéré en sécurité. Le dépistage d’un HPTH est également nécessaire afin d’effectuer une parathyroïdectomie dans le même temps opératoire si l’indication est posée. En l’absence de métastases à distance et de ganglions cervicaux, une thyroïdectomie totale associée à un évidemment ganglionnaire prophylactique du territoire VI est préconisée. Les attitudes varient par rapport aux territoires latéraux. Dans certains centres expertisés, l’exploration chirurgicale des territoires III et IV qui n’augmente pas substantiellement la complexité technique apporte un bénéfice oncologique potentiel et devrait être proposée. En cas de ­diagnostic de CMT posé fortuitement lors d’une lobectomie thyroïdienne, une totalisation de la thyroïdectomie doit être considérée, le risque de CMT controlatéral étant proche du 100% pour les formes héréditaires. Lors de cas sporadiques, en présence d’un taux de Ctn anormal après une lobectomie, une totalisation de la thyroïdectomie sera également proposée. L’atteinte controlatérale en cas de CMT sporadique est de l’ordre de 5% à 6%. En cas de CMT multifocal, ce taux est plus conséquent.

Suivi

La Ctn et le CEA sont mesurés à 3 mois post opératoires. En fonction du résultat, des imageries complémentaires doivent être réalisées (tab. 3). Rappelons que le PET CT et F DOPA ne sont pas recommandés d’office pour ce restaging selon l’ATA mais dans la pratique ils sont utilisés dans des cas particuliers qui sont discutés de façon multidisciplinaire.
Tableau 3: Attitude clinique selon le taux de calcitonine.
Taux de calcitonine Attitude
<10 pg /mlSuivi Ctn et CEA /6 mois puis annuellement durant 10 ans
10–150 pg /mlUltrason cervical;
si négatif: suivi semestriel 
(CEA, Ctn, calcul du temps de ­dédoublement)
>150 pg /mlUltrason cervical, CT thoracique, imagerie hépatique (CT ou IRM), scintigraphie osseuse, IRM colonne et pelvis
Ctn = calcitonine, CEA = antigène carcino embryonnaire
Le calcul du temps de doublement de la Ctn et du CEA fait également partie du suivi. Un temps de doublement <6 mois témoigne d’une maladie agressive alors qu’un temps de doublement de plus de 24 mois signe un meilleur pronostic. Ces calculs peuvent être réalisés avec des outils en ligne fournis par l’ATA: https://www.thyroid.org/professionals/calculators/thyroid-cancer-­carcinoma/. Une augmentation du CEA avec une sta­bilisation voire une baisse de la Ctn peut signer une dédifférenciation de la tumeur et donc un pronostic plus sombre. D’ailleurs, certains cas rares et très agressifs de CMT ne secrétent pas du tout de Ctn.

Prise en charge de la maladie métastatique

Il convient de préciser que contrairement aux CDT, le traitement de lévothyroxine est administré uniquement à visée substitutive, sans effet sur le contrôle tumoral en raison de la nature des cellules C qui ne contiennent pas de récepteurs à la TSH. Il en va de même en ce qui concerne la radiothérapie métabolique à l’iode 131 qui n’a pas sa place dans ce type de pathologie. Mis à part ces exceptions, la philosophie globale de la prise en charge du CMT métastatique et la même que celle du CDT métastatique réfractaire à l’iode.
En cas de maladie métastatique et progressive, outre l’approche symptomatique, le recours à des thérapies ciblées (chirurgie, radiothérapie externe, intervention percutanée) ou à des traitements systémiques par in­hibiteurs des tyrosines kinases est proposé (vandetanib, cabozantinib). Ces options thérapeutiques doivent faire l’objet de discussions multidisciplinaires. Ces traitements systémiques engendrent des effets indésirables tels qu’une hypertension artérielle, des diarrhées, des troubles électrolytique, une augmentation du QTc, une perte pondérale ou encore une toxicité ­cutanée.

Rôles spécifiques du médecin de premier recours

Avant d’envisager de réaliser une cytoponction d’un nodule thyroïdien, l’indication doit être bien évaluée et, au besoin, discutée avec un endocrinologue. La découverte d’un nodule classé Bethesda IV à VI nécessite une prise en charge spécialisée.
La contribution du médecin de famille est importante, non seulement pour la réalisation des bilans biologiques intermédiaires permettant de s’assurer du maintien d’une TSH dans la cible souhaitée (6–8 semaines après une modification de posologie) mais également dans le renforcement de l’observance médicamenteuse du patient. Les cancers thyroïdiens évoluant lentement, ils nécessitent un suivi régulier sur le long terme. De plus, une altération de la qualité de vie est décrite après le traitement chirurgical et la radiothérapie métabolique et ce même si le patient est considéré en rémission. Le médecin généraliste joue donc un rôle primordial dans l’accompagnement du patient.

Conclusion

La fréquence de découverte de nodules thyroïdiens impose une rigueur dans la sélection des nodules à ponctionner afin d’éviter un surdiagnostic de microcarcinomes. Face à un nodule Bethesda IV à VI, un avis spécialisé doit être sollicité. Des analyses moléculaires à la recherche de mutations peuvent également être entreprises afin d’affiner le risque de malignité. La prise en charge du CDT ou du CMT demeure multidisciplinaire. Le bilan préopératoire est une étape critique pour orienter le patient vers la sanction chirurgicale adéquate, permettant ainsi de minimiser les réopérations (tab. 4).
Tableau 4: Résumé des caractéristiques des carcinomes différenciés de la thyroïde (CDT) et des carcinomes médullaires 
de la thyroïde (CMT).
 CDTCMT
OrigineCellules folliculairesCellules C (parafolliculaires)
Prévalence 90% des carcinomes thyroïdiens2–3% des carcinomes ­thyroïdiens
Bilan
extension
Ultrason cervicalUltrason cervical, CT thoracique, imagerie hépatique (CT ou IRM), scintigraphie osseuse, IRM colonne ­(selon taux de ­calcitonine)
Recherche de la mutation RET
Exclusion phéochromocytome / hyperparathyroïdisme
TraitementLobectomie ou thyroïdectomie 
± ­curage ­ganglionnaireThyroïdectomie + curage ganglionnaire
Traitement ­adjuvantRadiothérapie métabolique à l’iode 131 
(thérapie ciblée par inhibiteur de tyrosine ­kinase pour les ­métastases non iodophiles)Thérapie ciblée par inhibiteur de tyrosine kinase
Cible TSHSelon le risque de récidiveIntervalle de référence
Marqueur ­tumoralThyroglobuline (anticorps anti thyroglobuline)Calcitonine
Antigène carcino embryonnaire (CEA)

L’essentiel pour la pratique

• Seuls les nodules thyroïdiens présentant des caractéristiques spécifiques suspectes de malignité ou les nodules hypermétaboliques au PET CT doivent être ponctionnés.
• Lorsqu’une sanction chirurgicale est indiquée, un ultrason cervical doit être réalisé afin de détecter d’éventuels ganglions métastatiques.
• Une surveillance active des microcarcinomes thyroïdiens peut être proposée dans certains cas sélectionnés en lieu et place de la chirurgie.
• Dans certains cas de carcinome de 1 à 4 cm, une lobectomie peut être proposée.
• Le traitement adjuvant (iode radioactif ou chimiothérapie) fait l’objet d’une discussion multidisciplinaire.
• Un suivi clinique, ultrasonographique et biologique sera assuré par un spécialiste.
• Les marqueurs tumoraux des carcinomes différentiés sont la thyroglobuline et les anticorps anti thyroglobuline. La calcitonine et le CEA servent au suivi du carcinome médullaire de la thyroïde.
• Une prise en charge spécialisée et multidisciplinaire est nécessaire pour tous les types de cancer de la thyroïde.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Dr méd. Gerasimos Sykiotis
Centre Hospitalier
Universitaire Vaudois
Avenue de la Sallaz 8
CH-1011 Lausanne
gerasimos.sykiotis[at]
chuv.ch
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