Aptitude à la conduite en cas de somnolence diurne
Recommandations destinées aux médecins et aux centres de médecine du sommeil accrédités

Aptitude à la conduite en cas de somnolence diurne

Richtlinien

Affiliations
a Schlaf-Wach-Epilepsie-Zentrum, Neurologische Universitätsklinik, Inselspital, Universität Bern; b Klinik für Pneumologie, UniversitätsSpital Zürich, ­Universität Zürich; c St. Gallische Kantonale Psychiatrische Dienste, Sektor Nord; d Institut für Rechtsmedizin, Verkehrsmedizin, Universität Zürich
Recommandations soutenues par la Société Suisse de Neurologie (SSN), la Société Suisse de Pneumologie (SSP), la Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie (SSPP) et la Société Suisse de Médecine Légale (SSML)

Publié le 16.05.2017

Introduction

Les articles de la rubrique «Recommandations» ne reflètent pas forcément l’opinion de la rédaction. Les contenus relèvent de la responsabilité rédactionnelle de la société de discipline médicale ou du groupe de travail signataire.
L’évaluation de l’aptitude à la conduite ou de la capacité de conduire en cas de tendance accrue à l’endormissement relève de l’obligation de diligence médicale et constitue une mission quotidienne essentielle des médecins praticiens et des centres de médecine du sommeil accrédités [1].
D’après les estimations, la proportion des accidents de la circulation provoqués par un micro-sommeil ­atteint jusqu’à 10–20% de tous les accidents [2–4]. Les présentes recommandations sont en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

Situation juridique en Suisse

Aptitude à la conduite

L’aptitude à la conduite désigne la faculté physique et psychique générale, ni temporaire ni liée à un événement, permettant de manœuvrer en toute sécurité un véhicule à moteur dans la circulation routière. Ceci suppose de satisfaire à des conditions telles qu’une acuité visuelle et des facultés cognitives suffisantes, et exclut la présence d’états tels que pertes de connaissance ou somnolence diurne chronique. Les fondements ­juridiques de l’aptitude à la conduite sont définis dans la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR) et dans l’ordonnance réglant l’admission à la circulation routière (OAC, annexe 1). L’article 14, alinéa 2, prévoit qu’«est apte à la conduite celui qui a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité». L’annexe 1 de la version révisée de l’OAC, entrée en vigueur le 1er juillet 2016, prévoit pour toutes les catégories de permis que le conducteur ne doit être atteint d’«aucunemaladie entraînant une somnolence diurne accrue». Concrètement, cela signifie qu’en cas de traitement efficace de la somnolence (par ex. un traitement par CPAP en cas de syndrome d’apnée obstructive du sommeil), l’aptitude à la conduite est établie.

Capacité de conduire

La capacité de conduire est définie comme la faculté physique et psychique momentanée et liée à un événement, de pouvoir conduire un véhicule de manière sûre. Ses fondements juridiques se trouvent dans l’article 31, alinéa 2, de la Loi fédérale sur la circulation routière: «Toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de médicaments ou pour d’autres raisons, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir.» L’article 31, alinéa 1, prévoit que «le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence». Ceci indique que le conducteur doit disposer, outre d’une capacité de base, d’une réserve de capacité permettant de surmonter des situations difficiles imprévisibles (une interprétation confirmée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral).

Droit de signalement médical

D’après la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR), tous les médecins sont habilités à signaler aux autorités de la circulation routière les personnes inaptes à la conduite ou dont l’aptitude à la conduite est discutable, et ce, sans même être déliés de l’obligation du secret médical. L’article 15d, alinéa 1, énonce ainsi: «Si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment [dans le] cas [d’une] communication d’un médecin selon laquelle une personne n’est pas apte, en raison d’une maladie physique ou mentale ou d’une infirmité, ou pour cause de dépendance, de conduire un véhicule automobile en toute sécurité.» L’alinéa 3 prévoit que «les médecins sont libérés du secret professionnel dans le cas des communications au sens de l’al. 1, let. e. Ils peuvent ­notifier celles-ci directement à l’autorité cantonale ­responsable de la circulation routière ou à l’autorité de surveillance des médecins.»

Obligations du médecin

Il n’existe actuellement aucune méthode de test validée offrant une prédiction fiable du risque d’accident lié à la somnolence diurne excessive. De nombreux facteurs aux interactions complexes jouent un rôle et doivent être pris en compte dans l’évaluation par le médecin du risque d’accident, et donc de l’aptitude à la conduite:
1 la sévérité de la somnolence;
2 la capacité de prendre conscience à temps de la somnolence;
3 le comportement raisonnable du conducteur;
4 d’éventuelles comorbidités pouvant augmenter le risque de micro-sommeil.
Pour le médecin traitant, l’objectif du diagnostic et du traitement est avant tout de maintenir ou de restaurer (= rééducation à la conduite) l’aptitude à la conduite du patient, ce qui est souvent possible en cas de somnolence diurne. Il convient avant tout d’éviter que les patients ne refusent une prise en charge et un traitement médical du fait de règles trop strictes dans l’évaluation de l’aptitude à la conduite, et que, par peur de perdre leur permis de conduire, ils ne continuent à conduire sans être traités.

Recommandations pour le médecin traitant

Responsabilité

La responsabilité primaire de la conduite sûre d’un ­véhicule à moteur incombe très clairement au conducteur. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de signaler ses symptômes et maladies au médecin et, le cas échéant, à l’employeur si l’aptitude à la conduite ou la capacité de travail s’en trouve altérée(s). Il est admis que la somnolence est perçue subjectivement avant que la capacité de conduire un véhicule ne soit sévèrement réduite.
La responsabilité primaire du médecin traitant est d’informer le patient des risques liés à la somnolence au volant et au travail, de la responsabilité qui lui incombe de prendre des contre-mesures efficaces, ainsi que des possibles conséquences légales en cas d’accident causé par le micro-sommeil. Le médecin devrait bien se renseigner au sujet des conditions que le patient doit remplir en tant que professionnel de la conduite. Dans l’aviation ou dans le secteur ferroviaire, il est intéressant de consulter le service médical des entreprises afin d’obtenir des informations supplémentaires [1, 5 a,b].
Il relève également de l’obligation de diligence du mé­decin d’évaluer si le patient est en mesure de gérer de manière raisonnable une éventuelle somnolence diurne et si ses déclarations sont fiables (comorbidités?).
Si le patient refuse d’entendre raison pour poursuivre les examens ou suivre un traitement, voire pour s’ab­stenir de conduire, le médecin pourra faire usage de son droit de signaler le cas aux autorités de la circulation routière (art. 15d LCR).

Information

Le médecin doit informer le patient non seulement des causes et des possibilités de traitement d’une somnolence diurne accrue, mais aussi de ses conséquences, et notamment du fait que la sûreté de la conduite d’un véhicule à moteur ou de l’exécution de certaines tâches est diminuée. Les aspects suivants devront être abordés à la première consultation et consignés par écrit:
a Signes de somnolence: besoin irrésistible de fermer les yeux; difficultés à se concentrer sur les perceptions sensorielles, les influences environnementales et les activités en cours; vision floue et diplopie; paupières lourdes; bâillements; diminution des mouvements et des activités automatiques comme par ex. l’oubli de plus en plus fréquent de regarder dans le rétroviseur; perte de tonus musculaire; difficultés à maintenir une vitesse constante ou une trajectoire constante, etc.
b Contre-mesures: Le seul moyen efficace est de s’arrêter sur une aire de repos et de faire une sieste pour récupérer. Consommer une boisson caféinée immédiatement avant de dormir peut améliorer encore davantage la vigilance au réveil. Baisser les vitres, mettre la musique à fond, fumer une cigarette, etc. sont inefficaces pour lutter contre la somnolence! La somnolence peut se renforcer très rapidement et il y a donc lieu d’interrompre le trajet même si l’on se trouve très près du but. Il convient pour les patients souffrant de somnolence diurne de veiller à ne jamais manquer de sommeil, de ne pas entreprendre de trajets nocturnes ou sous l’influence de l’alcool, même dans les quantités légales, et d’éviter les trajets trop longs.
c Situation juridique: Le fait de s’endormir au volant est jugé aussi sévèrement qu’un accident survenu sous l’influence de l’alcool. La conduite d’un véhicule à moteur dans un état de somnolence est considérée comme un acte de négligence et comme une infraction grave au Code de la route, ce qui peut entraîner, en plus de l’éventuelle instruction pénale, un retrait du permis de conduire pour plusieurs mois, une amende et un recours de l’assurance.
On peut escompter qu’un patient raisonnable et dûment prévenu par de telles informations, même s’il est sujet à une somnolence diurne légère à modérée, prendra généralement ses responsabilités en choisissant de se comporter correctement et en décidant de son propre arbitre s’il est capable ou non de conduire ou de travailler. Si un traitement efficace est mis en place dans l’espace d’environ 3 mois, il n’est généralement pas nécessaire de s’abstenir de conduire pour les conducteurs de véhicules de tourisme (groupe 1).
En cas de somnolence diurne sévère et incontrôlable (lorsque le patient s’endort même lors d’activités telles que manger ou parler), le patient doit s’abstenir de conduire un véhicule jusqu’à ce qu’il ait été examiné et reçu un traitement efficace. Le médecin doit inviter les chauffeurs professionnels et les employés devant conduire des véhicules et engins (pilotes, conducteurs de locomotive, grutiers, etc.) à informer leur employeur de leur inaptitude temporaire à la conduite (un consentement écrit définissant une période peut éventuellement être établi).
Le médecin devra consigner par écrit cet entretien d’information et ses recommandations concrètes dans ses dossiers médicaux ou dans une lettre conciliaire (voir [1] chapitre H).

Evaluation de la somnolence

La somnolence diurne est le symptôme fréquent de nombreuses maladies et d’une longue liste de médicaments [6]. L’évaluation de l’aptitude à la conduite ne doit pas dépendre principalement d’un diagnostic (par ex.: syndrome d’apnée du sommeil ou narcolepsie). Il n’existe pas en Suisse d’obligation de signalement aux autorités à cet égard.
L’aptitude à la conduite sera donc déterminée par le type et l’ampleur de la somnolence diurne, et par la capacité du patient à percevoir cette somnolence et à la gérer de manière raisonnable. En cas de somnolence ­iatrogène due à des médicaments sédatifs, il est particulièrement important de rendre le patient attentif à cet effet indésirable avant le début du traitement, car la prescription de médicaments ayant des effets pertinents sur la capacité de conduire est soumise à une obligation d’informer.
Il n’existe aucun paramètre de mesure permettant une évaluation fiable du degré de sévérité de la somnolence. Les meilleurs instruments demeurent l’anamnèse médicale et l’examen clinique suivis d’une évaluation qui intègre tous les résultats d’examens disponibles. Les questionnaires standardisés, comme par exemple l’échelle d’Epworth [7], ne sont utiles qu’en tant qu’instruments de dépistage. Ils ne permettent pas d’établir de manière définitive l’aptitude à la conduite.
Bien que des valeurs d’Epworth >10 soient déjà un indicateur de somnolence, des valeurs d’Epworth ≥15 ou un index d’apnée-hypopnée [IAH] >30/h suggèrent la présence d’une somnolence excessive et devraient, si celle-ci ne peut être traitée, servir d’argument pour adresser le patient à un centre de médecine du sommeil accrédité afin d’établir un diagnostic précis de la somnolence à l’aide d’un test de maintien de l’éveil (TME/MWT) destiné à évaluer l’aptitude à la conduite. Un IAH compris entre 15 et 30/h est interprété comme un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) d’intensité modérée, notamment en ce qui concerne les conséquences cardiovasculaires et cérébrovasculaires; il ne permet toutefois pas de se prononcer sur la somnolence diurne dans un cas particulier. D’autres tests de vigilance (Osler, test de vigilance psychomotrice, Steer Clear, examen de la pupille, etc.) ne peuvent également être utilisés qu’afin de compléter l’examen clinique, et non comme méthode de sanction. Une mauvaise observance du traitement par CPAP (<4 h) ­représente un facteur de risque d’accident de la circu­lation et justifie d’adresser le patient à un centre de médecine du sommeil accrédité [8–10] (liste actuelle des centres de médecine du sommeil accrédités disponible sur le site www.swiss-sleep.ch; voir également [1] chapitre G).
Une somnolence diurne significative ne devrait pas être ignorée même si le patient est examiné pour d’autres raisons.

Evaluation de la perception de la somnolence

On considère généralement que la somnolence au volant est toujours perçue avant que les facultés du conducteur ne soient affectées de manière significative. On ne sait cependant pas de manière précise si les conducteurs apprécient correctement cette somnolence et s’ils prennent ensuite les bonnes décisions. La perception subjective de la somnolence dans les conditions du TME/MWT ne peut pas être comparée à la perception observée dans un simulateur de conduite ou en conditions réelles [11].
Il est avant tout possible de déterminer si un patient est capable de percevoir avec fiabilité sa propre somnolence au volant et d’agir en conséquence sur la base de ses éventuelles expériences antérieures de micro-sommeil au volant, voire d’accidents ou d’accidents évités de justesse après un assoupissement au volant. C’est la raison pour laquelle les patients ayant déjà fait de telles expériences devraient de préférence être adressés à un centre de médecine du sommeil accrédité.

Evaluation de la fiabilité du patient

Si le médecin traitant doute de la fiabilité du patient, une anamnèse recueillie auprès de tierces personnes peut s’avérer utile. S’il existe des raisons de penser que le patient évalue mal sa somnolence ou s’il n’est pas coopérant, le médecin devra l’adresser à un centre de médecine du sommeil accrédité pour un examen approfondi. Des doutes sur la fiabilité du patient seront emis si l’on observe des divergences entre les données d’anamnèse, celles d’éventuelles anamnèses de tiers (accidents antérieurs) et les résultats de l’examen ou de tests complémentaires (tests de vigilance). Un comportement à risque devrait également être envisagé en présence de comorbidités telles que l’abus d’alcool ou de médicaments, une mauvaise hygiène du sommeil avec un déficit fréquent en sommeil, ou encore en cas de ­déficits cognitifs ou de traits de caractère agressif.

Examens de contrôle

Les patients souffrant d’affections du sommeil devraient consulter tous les ans pour contrôle un médecin ­spécialiste possédant un certificat de capacité en médecine du sommeil. En cas de situation clinique instable, chez les patients qui ne sont pas fiables, ou en présence de comorbidités multiples, l’intervalle entre les contrôles peut être réduit à 6 mois. Pour les conducteurs du groupe 1 (véhicules de tourisme), les contrôles peuvent être espacés d’une durée allant jusqu’à 3 ans en cas d’évolution favorable.

Recommandations pour les centres de médecine du sommeil accrédités

Il n’existe pas d’examens complémentaires objectifs permettant une évaluation fiable de l’aptitude à la conduite et du futur risque d’accident de la circulation ou du travail. C’est pourquoi les instruments de mesure objectifs doivent toujours être replacés dans le contexte clinique.
Le test objectif le plus étudié, que nous recommandons également pour quantifier la somnolence, est le test de maintien de l’éveil (TME/MWT), pour lequel la mesure de la somnolence est basée sur l’électroencéphalogramme (EEG). Pour le TME/MWT, le patient est assis pendant 40 minutes dans une pièce isolée du bruit et faiblement éclairée (dans le centre de médecine du sommeil accrédité); il a pour consigne de rester éveillé aussi longtemps que possible. Le test est renouvelé quatre fois au cours de la journée et la durée d’endormissement (définie comme l’apparition d’une époque d’un stade de sommeil quelconque, conformément aux critères de la American Academy of Sleep Medicine [AASM]), est mesurée. Avant chaque test, le patient reçoit pour consigne de rester éveillé le plus longtemps possible.
Les examens en simulateur de conduite ou des tests de performance similaires (Psychomotor Vigilance, Steer Clear, Osler Test, examen de la pupille, tests neuropsychologiques, etc.) ne peuvent, faute de données suffisantes, être recommandés comme véritable remplacement du TME/MWT. Ils peuvent toutefois s’avérer d’un précieux secours pour compléter l’examen clinique et pour évaluer les comorbidités.
Afin d’évaluer l’aptitude à la conduite de manière dé­finitive et à long terme, il convient de procéder au TME/MWT alors que le patient reçoit un traitement optimal. Le patient doit au préalable être informé de la finalité spécifique du test. Contrairement au TME/MWT réalisé à des fins diagnostiques, lors du TME/MWT destiné à évaluer l’aptitude à la conduite, les patients devraient être autorisés à boire du café et des boissons caféinées dans des quantités habituelles.

Critères médicaux pour le groupe 1 
(catégories de permis de conduire pour les véhicules jusqu’à 3,5 t à usage privé, par ex. véhicules de tourisme, motos, etc.)

Outre la prise de son traitement habituel, ainsi que de café et autres boissons caféinées en quantité habituelle, les patients (uniquement pour le groupe 1) auront également le droit de faire une sieste de 20 minutes maximum à l’heure du déjeuner, dans la mesure où cela fait partie de leurs habitudes quotidiennes.
De manière générale, on considère que l’aptitude à la conduite pour des trajets privés suppose de ne jamais s’endormir en moins de 20 minutes lors des quatre tests du TME/MWT. Une durée d’endormissement comprise entre 20 et 33 minutes est considérée comme un résultat «douteux»; une latence ≥34 minutes est considérée comme sûre. Si les valeurs sont comprises entre 20 et 33 minutes, une attention particulière devra être portée à une gestion raisonnable de la somnolence et aux éventuelles comorbidités. Il n’existe pas à l’heure actuelle de comparaisons fiables entre les performances de conduite sur route et en simulateur pour les épisodes de micro-sommeil <15 secondes. Un épisode de sommeil isolé et bref (<5 s) devrait être considéré comme normal dans les conditions du TME/MWT, tandis que des épisodes de sommeil répétés ou plus longs (>5 s) sont sans doute problématiques. En cas de doute, il convient de renouveler le TME/MWT destiné à évaluer l’aptitude à la conduite.

Critères médicaux pour le groupe 2 (permis de conduire des catégories supérieures, telles que cars, poids lourds, transport professionnel de personnes)

Chez les chauffeurs professionnels, le sommeil ne devrait jamais se manifester avec une latence <34 minutes lors des quatre tests du TME/MWT. En cas d’épisodes de micro-sommeil dans les 34 premières minutes ou en cas de résultats limites, il est conseillé de renouveler le TME/MWT destiné à évaluer l’aptitude à la conduite quelques mois après l’optimisation du traitement et de l’hygiène de sommeil.

Mesures concrètes

L’information du patient souffrant de somnolence diurne et les éventuels examens complémentaires peuvent se dérouler en suivant les trois niveaux suivants:
1. médecin traitant, généraliste, interniste, neurologue, pneumologue, psychiatre, etc.;
2. centre de médecine du sommeil accrédité;
3. médecin du trafic SSML (généralement auprès d’un institut de médecine légale).

Aptitude à la conduite pour le groupe 1 ­(conducteurs de véhicules à usage privé)

Niveau 1 pour les patients sans antécédents d’accident

– Chez les patients sans antécédents d’accident causé par le micro-sommeil, l’information et l’évaluation sont généralement prises en charge par le médecin traitant (conformément à [1] chapitre C).
En cas d’observance insuffisante, de refus d’être examiné et/ou de recevoir un traitement, ou en cas d’échec de la thérapie, nous conseillons d’adresser le patient à un centre de médecine du sommeil accrédité. Dans des cas critiques, un signalement aux autorités de la circulation routière peut être fait conformément à l’article 15d de la LCR.

Niveau 2 pour les patients ayant des antécédents d’accident ou d’accident évité de justesse

– On recommande de toujours adresser le patient à un centre de médecine du sommeil, lorsque celui-ci a déjà provoqué un accident après s’être endormi au volant. Le fait que le patient ait déjà provoqué un accident par le passé en s’endormant au volant porte à croire qu’il a eu un comportement inapproprié lorsque la somnolence est apparue et que cela pourrait se reproduire.
– En cas d’accident constaté par la police ayant une possible cause médicale, les autorités ont pour devoir de faire examiner l’aptitude à la conduite par un médecin de confiance de l’autorité de la circulation routière du canton ou par un médecin du trafic SSML (généralement auprès d’un institut de médecine légale) ( niveau 3). En cas d’accident causé par un micro-sommeil, cet examen est généralement réalisé en partenariat avec un centre de médecine du sommeil accrédité.

Niveau 3 pour les patients non coopératifs

– Si aucun consensus avec le patient ne peut être trouvé même après un examen approfondi au centre de médecine du sommeil, le responsable du centre ainsi que le patient ont la possibilité de ­solliciter un deuxième avis auprès d’un médecin du trafic SSML (généralement auprès d’un institut de médecine légale) ayant de l’expérience dans l’évaluation des conducteurs somnolents. Cette démarche équivaut cependant à un signalement aux autorités.
– Ce n’est pas le médecin qui décide en dernier ressort si un patient est ou non apte à conduire. Cette décision appartient aux autorités, qui peuvent solliciter l’avis du médecin traitant ou du médecin du trafic à titre d’expert.

Aptitude à la conduite pour le groupe 2 ­(chauffeurs professionnels)

Les chauffeurs professionnels ont un risque plus élevé de somnolence au volant, pour différentes raisons:
a Leur temps de conduite net par jour est en général plus élevé que chez les conducteurs de véhicules de tourisme.
b Ils sont souvent amenés à travailler de nuit, à des heures où le rythme circadien les expose à un risque d’endormissement plus élevé. La qualité de leur sommeil est affectée défavorablement par l’environnement (poste de conduite) et par le travail de nuit.
c Le principal facteur de risque demeure cependant la pression des horaires liée aux objectifs (obligation de rouler). Cette contrainte empêche souvent le chauffeur de se comporter de manière adéquate, par exemple en s’accordant une courte sieste pendant le temps de pause.
Les chauffeurs de cars, les conducteurs de locomotives, les pilotes et autres personnes exerçant de telles professions à responsabilité qui souffrent de somnolence devraient de manière générale être examinés et pris en charge dans des centres de médecine du sommeil accrédités ( niveau 2), où, généralement, une mesure objective par TME/MWT est également réalisée.
Si aucune solution consensuelle n’est trouvée (en particulier en cas de défaut d’observance du traitement), ces personnes devraient être adressées, via les autorités de la circulation routière, à un médecin du trafic SSML (généralement auprès d’un institut de médecine légale) ayant de l’expérience dans l’évaluation de la somnolence au volant ( niveau 3).

Aptitude à la conduite pour les contrôles périodiques des conducteurs âgés de >70 ans

La loi prévoit que l’évaluation de l’aptitude à la conduite des conducteurs âgés de >70 ans se fait tous les 2 ans. Cette tâche officielle a été transférée en 2016 dans toute la Suisse aux médecins de famille, qui, lors de cette évaluation, sortent du rapport soignant-patient pour assumer une tâche médicale officielle. Ceci change également la responsabilité qu’ont les médecins vis-à-vis du législateur, puisque, en pareille situation, le médecin se voit confier le mandat (et non plus seulement l’autorisation) de signaler aux autorités un patient inapte à la conduite. Si l’aptitude à la conduite est remise en question à cause d’une somnolence diurne, l’autorité cantonale de la circulation routière doit en être informée en même temps que des examens complémentaires doivent être proposés.
Les médecins traitants devraient cependant traiter les conducteurs plus âgés de manière optimale (de même que tous les autres) déjà avant les examens périodiques de contrôle, le cas échéant, en collaboration avec un médecin spécialiste détenteur d’un certificat de capacité en médecine du sommeil ou avec un centre de médecine du sommeil accrédité.

Remarque


La version officielle complète de ces recommandations est disponible sur le site internet www.swiss-sleep.ch/driving [1] ainsi que dans la version en ligne de cet article sur www.medicalforum.ch.
Prof. Dr méd.
Johannes Mathis
Universitätsklinik für ­Neurologie
Inselspital
Freiburgstrasse
CH-3010 Bern
johannes.mathis[at]insel.ch
1 www.swiss-sleep.ch/driving
2 Mathis J, Seeger R, Ewert U. Excessive daytime sleepiness, crashes and driving capability. Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie. 154:329–38(2003).
3 Laube, Seeger R, Russi EW, Bloch KE. Accidents related to sleepiness: review of medical causes and prevention with special reference to Switzerland. Schweiz Med Wochenschr. 1998;128:1487–99.
4 Horstmann S, Hess CW, Bassetti C, Gugger M, Mathis J. Sleepiness-­related accidents in sleep apnea patients. Sleep. 2000;23(3):383–9.
5b https://www.bazl.admin.ch/bazl/fr/home/experts/formation-et-licences/service-de-medecine-aeronautique.html (04.04.2017)
6 Mathis J, Schreier D. Tagesschläfrigkeit und Fahrverhalten. Therapeutische Umschau. 2014;71(11):679–86.
7 Bloch KE, Schoch OD, Zhang JN,Russi EW. German version of the Epworth Sleepiness Scale. Respiration. 1999;66(5):440–7.
8 Karimi M, Hedner J, Häbel H, Nerman O, Ludger Grote L.
Sleep Apnea Related Risk of Motor Vehicle Accidents is Reduced by Continuous Positive Airway Pressure: Swedish Traffic Accident Registry Data. Sleep. 2015;38(3):341–9.
9 McNicholas for the Obstructive Sleep Apnoea Working Group. New Standards and Guidelines for Drivers with Obstructive Sleep Apnoea syndrome (2013), http://ec.europa.eu/transport/road_safety/pdf/behavior/sleep_apnoea.pdf.
10 Strohl KP, Brown DB, Collop N, George C, Grunstein R, Han F, et al. ATS Ad Hoc Committee on Sleep Apnea, Sleepiness, and Driving Risk in Noncommercial Drivers. An official American Thoracic Society Clinical Practice Guideline: sleep apnea, sleepiness, and driving risk in noncommercial drivers. An update of a 1994 Statement. Am J Respir Crit Care Med. 2013;187(11):1259–66.
11 Schreier D, Roth C, Mathis J. Subjective perception of sleepiness in a driving simulator is different from perception in the maintenance of wakefulness test. Sleep Medicine. 2015;16:994–8.